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Vallée de l'Ubaye

Musicienne violoniste au Fort de Cuguret

Aujourd’hui c’est un lieu de vie et un lieu de partage aussi, ça nous tient à coeur. Ici, je prends le temps de faire les choses.

Cyrielle Eberhardt

Portrait par Eric Lenglemetz
Recueil de témoignage par Noëlie Pansiot

 

L’Ubaye en adoption

Je suis Lorraine d’origine et l’année de ma naissance, mes parents sont arrivés dans l’Ubaye, au camping de Jausiers et sont tombés amoureux du coin. Depuis cette année-là, en 84, ils nous ont emmenés tous les étés pendant au moins 5 semaines de vacances ici. On venait aussi un peu pour l’hiver. Du coup, ma sensation c’est d’avoir plus vécu, plus grandi et de m’être plus épanouie ici que chez moi en Lorraine.

Dès que j’ai quitté le foyer familial, j’ai cherché par tous les moyens comment faire pour garder une attache ici, une maison, un appartement, un boulot, je ne savais pas trop quoi exactement.

Quand on était gamins, on faisait des randos quasiment tous les jours. Des fois, on demandait une pause, on en avait un petit peu marre, mais mon père, lui, ne s’arrêtait jamais. Pendant ces jours de soit-disant pause, il montait au fort de Cuguret. Il y avait encore l’ancien propriétaire qui était là. Mon père montait deux fois par an. Il lui apportait du pain qu’il faisait et il passait du temps avec lui. J’ai entendu parler de ce fort quasiment depuis toujours en fait, sans y être montée avant 2008 ou 2009. A cette époque, il y avait un musicien qui fabriquait des instruments boliviens ici au fort. Il était venu ici et avait flashé sur le lieu. Il était luthier.

 

Le fort de Cuguret

C’est un ancien fort militaire, qui a été construit à la fin du XIXème siècle pour se protéger des Italiens qui ne sont pas bien loin et avec qui on était pas très copains après la guerre de 70.

Aujourd’hui c’est un lieu de vie et un lieu de partage aussi et ça nous tient à coeur. Je pense que c’est ça l'important. Dans cette belle salle, on organise des concerts et ça nous permet vraiment de partager des moments avec des gens qui ont envie de rester là. Parce qu’en général, quand on vient ici, c’est qu’on en a vraiment envie avec cette piste de 5 km !

Il y a vraiment un point d’honneur qui est mis à rencontrer chaque personne qui monte ici. Renaud  fait aussi des visites commentées. Souvent, les gens se confient c’est assez marrant.

Quand ils arrivent ici, j’ai l’impression que les gens se détendent un peu et qu’il y a vraiment un partage.

Après, c’est contraignant aussi, parce que c’est difficile de commencer quelque chose et d’avoir en même temps des gens qui passent régulièrement, leur parler et prendre le temps. Mais je me rends compte qu’à chaque fois c’est intéressant, c’est autre chose, c’est toujours un partage. Il y a bien évidemment un partage de l’histoire au travers les visites de Renaud. Il y a aussi des passionnés de forts qui viennent et qui en savent souvent plus que moi... Et puis il y a ces concerts… On essaye de mettre en avant des musiciens ou des artistes. Ils viennent ici, y restent, y travaillent et s'inspirent du lieu pour créer. Ça, c’est un peu l’idéal. Après, dans la réalité, ce n’est pas toujours comme ça !

 

Une histoire de pierres

La montagne pour moi, au départ, ce sont les vacances. Je crois que c’est dans cet endroit que j’ai eu mes premiers vrais moments de liberté. Et ça, ça laisse des traces plutôt positives. Je ne suis pas très attachée à la flore et la faune. Je trouve ça très beau, mais je ne m’y connais pas du tout et je n’ai pas spécialement l’envie de m’y attacher, si ce n’est pour les vertus médicinales.

Par contre, j’ai un réel attachement au minéral.

Quand on faisait des randos, je revenais toujours avec des cailloux plein les poches. Avant, j'ai beaucoup cherché le noms des pierres. Et ça m'est resté en fait. Je pensais que c’était une lubie d’enfant, mais quand on monte, notamment au sommet de Siguret, quand ça devient aride au-dessus du deuxième fortin, il y a des cailloux partout et je me retiens de ne pas les toucher ou de tous les emporter avec moi. Parce qu’ils sont bien là où ils sont je crois. C’est un vrai attachement au minéral.

 

Prendre le temps

 

Et puis ça change tout le temps : les paysages, les couleurs, même la sensation d’humidité, de sécheresse, tout ça… C’est en permanence en changement. Mais il faut prendre le temps de constater ce genre de choses, de regarder. A Paris, j’avais ma télé dans ma chambre et j’avais beau être au pied du Sacré Cœur, j’avais oublié ce que c’était de simplement regarder les nuages changer de forme.

Prendre le temps de faire les choses, ce n’est pas si facile en fait.

Je me souviens que petite, mes parents me disaient : « Mais fais un peu quelque chose ». "Mais je voudrais m’ennuyer un peu s’il vous plaît. Laissez moi tranquille !" On nous apprend à avancer et à toujours faire quelque chose. Ici, on n’est pas obligé, c’est ça qui est bien.

Ici, je prends le temps de faire les choses.

 

 


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